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L’agriculture moderne

Que nous ont appris les paysans ?

Le village de Courdimanche est situé sur des couches de terrain différentes, des sables de Fontainebleau sur le sommet et des couches argileuses avec les résurgences d’eau et des limons de plateaux, les fameuses terres fertiles limoneuses !

Les constructions nouvelles qui sont situées sur des jonctions de couches argileuses, avec le retrait ou le gonflement des argiles, ont des problèmes de fissures ou de présence d’eau dans les sous-sols.

Les architectes n’ont pas tenu compte du sous-sol.

Nous, les paysans, on met en garde les concepteurs de projet, on avait un peu raison. Le quartier du Bois d’Aton, on l’a drainé et le drainage a moins de vingt ans, ce sont d’anciennes pâtures, on a prévenu :
- « N’abîmez pas les drainages. Les fouilles archéologiques les ont détruits. » Pour moi, c’est inconstructible, on n’arrête pas le cheminement de l’eau.

Les anciens avaient une connaissance parfaite de leurs sols parce qu’ils avaient la pratique, ils les avaient maniés, pieds et mains dedans. Les sommets des buttes témoins du Bassin Parisien couverts de bois ont été cultivés à l’époque de la Révolution ; on enlevait le bois de chauffage pour les Parisiens et en attendant de replanter, on cultivait du seigle, notamment pour les toits de chaume. Tout ce qui n’était pas cultivable était en prés, pour les animaux. Les plans cadastraux, les subdivisions des parcelles étaient faits en fonction de la nature du sol.

251 hectares par jour de terres agricoles disparaissent en France, la prise de conscience commence mais l’action a du mal à se mettre en place, pour freiner. Il faut arrêter l’étalement urbain sur la campagne et
reconstruire la ville sur la ville.

Pourquoi n’habitez-vous plus à Courdimanche ?

Mes parents ont eu 8 enfants et notre maison, c’était la ferme Cavan. On voulait l’acheter mais notre propriétaire ne souhaitait pas vendre. Quand elle décéda, la mairie décida de racheter ce corps de ferme. On a déménagé 2.500 m² en cinq mois, en 2006. On vit à Saillancourt. Ma famille avait repris cette ferme en 1956 ; elle fut habitée par un de nos employés et quand il a pris sa retraite, on a emménagé.

Qu’est-ce qui a changé ces dernières années ?

Les aménagements routiers dits de sécurité, ne facilitent pas les déplacements de nos machines agricoles.

Je cultive le Décret, entre Boisemont et Courdimanche et je dois téléphoner quarante huit heures avant aux services techniques, pour faire enlever les barrières de protection, afin d’accéder à ces parcelles. 

Cultivez ! Entretenez ! Faites-nous des paysages, de la nourriture bon marché mais restez invisibles ! Récemment j’ai perdu 10 hectares à Jouyle- Moutier pour un centre d’accueil pour autistes et handicapés, mais c’est pour une
bonne cause.

En quoi le modernisme a-t-il transformé le travail de la terre ?

Nous avons eu en 1991 les premiers ordinateurs pour calculer comment dépenser le moins possible ; notre préoccupation première étant la marge pas le rendement.

« “Occupe-toi de ce qui reste !“ me disaient mes oncles, avant la guerre », dit le père de l’agriculteur.

On utilise à présent des ordinateurs embarqués sur nos tracteurs ou machines pour faire des cartes de biomasse du végétal cultivé, pour déterminer les besoins de la plante en engrais, notamment l’azote ; on en met plus ou moins selon les besoins de la plante. C’est la réflectance de la lumière naturelle sur la plante qui définit les besoins et on pratique l’application d’engrais en temps réel. Le GPS nous permet de cartographier l’application en géolocalisant ce travail. 

Le comportement du végétal n’est pas le même, en fonction de la nature du sol ou du sous-sol ; le facteur eau, ou plutôt la réserve naturelle en eau disponible varie beaucoup.

Dans les limons, on met peu d’engrais parce que le sol fonctionne très bien naturellement. En limons argileux, les besoins sont supérieurs car l’argile retient les éléments et les rendent moins disponibles à la plante cultivée. Nous avons des terres très hétérogènes sur Courdimanche. La plaine du Vexin est plus homogène. Nous utilisons de plus en plus d’engrais organiques issus du fumier de cheval ou de compost de déchets verts.

Le désherbage de la betterave, c’est la tâche la plus difficile : je me lève à 4h du matin, je regarde l’hygromètre pour le taux d’humidité, la température et la vitesse du vent et parfois, si cela n’est pas bon, je retourne me coucher. La prise de conscience environnementale est faite.